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Les chapitres de mon second roman, à mesure qu'ils seront écrits, mes brouillons en quelques sortes (désolé pour les fautes du coup)

Pour accéder aux photos et autres contenu multimédia qui peuvent composer certains chapitres, il faut malheureusement aller les lire directement.

 

Chapitres 11 à 20

Chapitre 21 à épilogue

 

Chapitre 1

 

Par où je commence ?

Comment je commence ?

Et même pourquoi ou pour qui je commence ?

Ça fait trois fois que j’efface ces premières lignes et que je les récris, qu’est ce que ça changera de toute façon ?

On dit qu’écrire c’est répondre à un besoin. Cela doit être vrai, ça me permet d’exorciser certaines choses, et d’en expliquer d’autres.

Par où je commence ?

Par la salle d’attente du docteur Petit

Une douleur chronique, quelques examens complémentaires. Trois fois rien, juste pour confirmer que tout va pour le mieux.

Perdu, ou plutôt gagné vu que j’ai, en quelques sortes, tiré le gros lot. J’étais confiant en rentrant dans le cabinet, la tronche du médecin m’a fait viré au livide. A la fin de sa première phrase mes oreilles bourdonnaient tellement que je me serais cru au Hellfest à côté des enceintes.

Pas de cancer non, cela aurait été trop simple et potentiellement soignable. Au lieu de cela, elle m’a annoncée une maladie génétique, j’avoue ne pas avoir retenu le nom, pourquoi faire ? Ca ne se soigne pas et je n’écris pas un épisode de Docteur House. J’aurais pourtant préféré un lupus en conclusion d’un diagnostique différentiel mêlant professionnalisme, vannes et problèmes personnels.

Pour en revenir à la maladie : mortelle bien sûr, durée de vie estimée : 6 à 8 mois. En général les médecins ne se ratent pas sur le restant à vivre. Ils devraient être plus considérés comme des thanatologues que comme des docteurs en médecine.

Vous feriez quoi avec 7 mois à vivre en moyenne ? Moi j’ai fais ce que tout le monde fait ou presque en pareille occasion (je me suis documenté après coup) : rien. J’ai accusé le coup, fait semblant d’y croire, accepter une carte de psy pour le soutien psychologique, pour me retrouver déambulant dans la rue (après avoir payé mes 29€ de consultation tout de même, un condamné devant s’acquitter de ses frais avant de mourir) en ayant l’impression d’être sorti d’une salle de ciné. Mais non ce n’était pas un mauvais film français mais bien ma vie ou ce qu’il en reste.

N’y voyez aucun signe dans ce palindrome horaire mais ce n’est que vers 21h12 que j’ai commencé à réaliser. J’ai pleuré toute la nuit, et le lendemain je suis parti bosser. Je me nomme Stéphane Vounier au fait

Chapitre 2

Je m’appelle Olivier Kermin, et ça fait 10 minutes. 10 minutes, à peu près, que je cherche une belle manière de commencer ce journal. Une belle punchline pour une belle intro, vu que la conclusion est déjà connue et que je ne suis pas sûr d’être en mesure de l’écrire moi-même, car voyez-vous je vais décéder sous peu.

Plus que six mois, à peu près, à patienter. Une maladie mortelle mais un truc original attention. Pas un petit cancer dont tu meurs après six mois de traitements intensifs en ayant l’air d’y croire. Une maladie rare, génétique. Bien heureux, pour une fois, de n’avoir ni enfants, ni frères, ni sœurs. Quant à mes parents : adoptifs. Complétons la fiche signalétique : cadre dans une société de service informatique.

Ma première décision suite à cette nouvelle ? Donner mes DVD de Dr House.

Ma seconde : Contacter tout ce que je pouvais d’amis pour une grosse soirée. Je me suis creusé la tête pour trouver comment leur annoncer. Un par un ? Magistralement ? Y-a-t-il seulement une bonne manière de le faire ?

Nous savons tous la difficulté de réunir une trentaine de trentenaire (pure coïncidence) pour une soirée : entre les fatigués du taf, les enfants à garder, les promesses de nouvelles conquêtes ou les visites de famille … Il a fallu que j’insiste lourdement pour qu’ils fassent l’effort et décommandent ce qu’ils avaient déjà prévu, que je fasse miroiter une annonce importante.

J’ai fait les choses en grand, je ne suis pas un manche en cuisine mais vivant seul j’ai rarement l’occasion de me motiver à sortir plats et recettes plus compliquées que les spaghettis au pesto.

Il y a une chanson d’Aston Villa (le groupe de rock Français, pas le club de football) Slowfood, qui m’a toujours mis l’eau à la bouche. Je m’étais juré de l’utiliser pour un repas de réveillon. Vu que niveau timing on risque d’être un peu court, c’est l’occasion ou jamais. Pour les paroles ça donne ça (merci Internet)

Pascaline d'omble chevalier, fine escalope pochée dans une infusion d'herbes fraîches, au poivre de Madagascar. Gelée au vin de paille, bouquet d'écrevisses liées d'un sabayon au cédrat. Millefeuille croustillant au château Climace 1995, pressé de chou, cœur de bœuf, et chair de tourteaux assaisonné d'un beurre fondu, cerfeuil et miel d'arbousier, une déclinaison d'asperges vertes et blanches. Pigeon Gaultier rôti entier, puis terminés à l'étouffé dans un poivron rouge, galette d'oignons cebettes aux fruits sec, miroir cassili de vin, échalotes confites et trait de chocolat amer.

Les poissons bleus : Pavé de boni, cuits en cocotte, terminé dans un jus de Lisay au Vadouvert, escabette de sardines à l'aubergine, poêlée de thon rouge, lié d'un suc de crevettes grises, pissaladière d'anchois frais, au pool de chou.

Les langoustines: Trois préparations de langoustines bretonnes grillées, terre de sienne, en tartare et en mousseline, infusion de crustacés aux girolles liées au caroube, salade de morgiboule, tuile, amandes et citron vert

La charcuterie fine : Ballottine de fois de canard aux graines de moutarde, râpée de chorizo, pâté de veau truffé, chiffonnade de poirées rouges, bouillon cultivateur bellota tartinée d'une pâte de figues au Xérès, lomo portugais, coppa corse, et oreilles craquantes de cochon, tarte fine au lard colonna, tomates et poires sèches au romarin, boudin noir maison à la cannelle.

Le biscuit soufflé à la vanille : vanille de Tahiti, cascade napolitaine, spirale de caramel à l'angélique, petit biscuit tiède

Le homard en trois services, petit homard bleu, poché au moment, puis simplement enrobé d'un beurre noisette, gingembre et citron bergamote, boconcini, haricots, viande et pinces, en salpicon, consommé glacé à l'amande verte, foccachia coraillée.

Le bar : Bar de ligne cuit entier en papillote au citron de menton, jus de cuisson « Jodhpur » à l'orge perlé, pulpe glacée de pommes vertes, coriandre fraîche et coco râpé

Le biscuit soufflé à la chartreuse : Liqueur verte des pères chartreux, chartreuse jaune, paillettes et en gelée. Trois petites pâtisseries célestes : un sacristain, une religieuse, un capucin.

Accompagné du double d’alcool nécessaire pour trente comas éthyliques.

Au fait ? Pourquoi je vous impose ma prose ? Une idée de mon psy. Il parait que ça va m’aider à ne pas péter un plomb trop vite. Autant laisser une trace de qui j’étais, au moins pour les trente amis.

Mais avant la fête, le boulot, j’aurais pu annoncer ma démission via la lettre recommandée d’usage, mais ça aurait manqué de panache, et puis une occasion comme celle-ci ne risquait pas de se présenter à nouveau. Sauf si on croit en la réincarnation bien sûr.

Une société de service informatique, ça cherche à rendre service en se mettant au service de son client. Dans mon cas une grosse société du Cac40. Elle nous donne beaucoup de devoirs et peu de droits et comme l’univers aime l’équilibre, on lui donne l’exact inverse. Bon, nous ne sommes pas philanthropes non plus, on ne fait pas ça pour la beauté du geste. Mais je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais rencontré de client pleinement heureux de travailler avec nous. Je pense que l’être humain préfère l’autarcie.

Alors, lors de la grande messe mensuelle, théâtre habituel des plus belles séances d’auto-congratulation et, au passage, de la signature de la facture, lorsque j’ai du parler de l’avancement des projets en cours, il se peut que j’ai un tantinet balancé que j’attendais depuis un an et demi, les plannings, documentations, validations des procédures et autres livrables et que le défaut de management de leur côté commençait à peser lourdement.

Stupéfaction et mutisme, regards plongeants vers la table des deux côtés. Balbutiements et début de reformulation positive du côté de mon management et annonce de démission. Et je parti tel un prince fier de sa propre magnanimité après avoir épargné des condamnés à mort.

Un remake soft de « au revoir, au revoir président. »

J’ai fait un dernier détour par mon bureau, tandis que mes responsables tentaient de rattraper ce qui pouvait l’être. J’ai prévenu mes proches collègues en leur rappelant de ne pas manquer ma petite soirée. Suis allé voir les plus casse-couilles, pour qu’enfin quelqu’un leur dise à quel point ils l’étaient (vu qu’en général personne ne leur dit de peur de les rendre encore pire) et ai joué un remake de mon départ princier.

 

Chapitre 3

 

Putain mais pourquoi je suis parti bosser ? Je vais mourir putain ! Bon comme tout le monde, mais plus vite que la plupart.

Classer des dossiers papier à raison de 8h/jour à mesure qu’ils sont demandés et rendus par les juristes … Dans dix ans mon métier aura lui aussi disparu, mon successeur remplacé par un bras mécanique piloté par une application qui bug.

Putain de boulot No Brain, répétitif au possible qui t’empêche de réfléchir à quoique ce soit. On pourrait croire l’inverse, pas de réflexion donc dérivation des fonctions cognitives vers des sujets plus intéressants. Ben mon cul !

La première semaine à la limite. Arrive très vite la démotivation suivie de la démoralisation et suivant votre caractère : résignation, dépression ou rienAfoutration.

J’écris ces lignes durant ma pause de 10h et je viens de réaliser que je suis en train de perdre le peu de temps qu’il me reste. Bon tentons d’optimiser ce peu de temps justement.

Je ne sais pas ce que je vais en faire, mais je vais avoir besoin de thunes ça c’est sûr. Allez direction RH !

Pleurer est un talent, émouvoir peut être un métier. Ça me rappelle un bouquin que j’ai lu étant môme, le premier qui m’a donné envie de lire autre chose que des Tintin et des Spiderman. « Au Bonheur des Ogres » de D.PENNAC : l’histoire de Benjamin Malaussene, payé pour essuyer les plaintes des clients du grand magasin qui l’emploie. S’il chialait assez, le client retirait sa plainte et il était payé. Ben va falloir s’en inspirer pour repartir avec une rupture conventionnelle et un chèque intéressant. Mais ce talent je ne l'ai pas et pour la première fois de ma vie professionnelle j'envisage d'aller voir notre syndicat pour un coup de main. Je suis un français moyen, je ne me syndicalise pas, je rie d'eux ou les conspue (surtout durant les grèves) mais dès que j'en ai besoin je rampe à leur bureau.

Et Michel le syndiqué aux trois lettres m'écoute, l’œil endormi, la face léthargique, et les lèvres prêtes à ronfler. Lorsque je termine mon histoire (très courte) il ne réagit pas. Ma mort semble être d'un ennui …

Je me prépare à l'insulter comme il se doit lorsqu'il se redresse vers moi. Me regarde dans les yeux et pars dans un monologue sur la lutte des classes où chaque phrase le réveille un peu plus. Il m'explique que ce qui me tue c'est l'oppression, que ma maladie n'est que conséquence de l'asservissement du petit peuple que je représente. Il s'illumine à l'évocation de Marx et Engels. Il rajeuni de 50 ans (alors qu'il n'en a pas 40) se remémorant un printemps 68 qu'il n'a connu que dans les livres et les tracts. Il parle de ma condition, me promet le combat et la victoire. Il détaille ma vie dans la société, détaillant les victoires obtenues et les échecs qu'on m' collé injustement sur le dos. Harcèlement moral, ambiance délétère maintenue à dessin entre les employés. Immaturité et tyrannie du management m'ayant poussés à la porte de la dépression à de multiples reprises. Rabaissement ininterrompu de mon faible ego (sic).

Seul petit bémol, je ne me reconnais absolument pas dans son récit. Il attendait un prétexte pour en faire un cheval de bataille, il est en train d'harnacher un poulain de 6 mois d'une armure de guerre.

Bah, si son imagination, sa démagogie et son sophisme peuvent m'avoir deux, trois chèques vacances en plus, allons y. Je veux bien être en première ligne pour une fois. Napoléon nous voilà, espérons que le bureau des ressources humaines sera Austerlitz et non Waterloo.

Mon Michel est remonté comme en 1936 (période qu'il n'a bien évidement pas connue non plus) lors des grèves pour l’obtention es premiers congés payés. Pas de préparation, trop longtemps qu'il est sur le banc de touche de la revendication. Les RH on y va maintenant !

Je frappe trois fois à la porte, comme au théâtre. Première erreur, ça va se voir que je sur-joue … quoique je vais mourir, j’ai même un mot du docteur ! Comment je pourrais sur-jouer ? Et puis à coté de Michel je suis sûr de faire sobre.

On investit le bureau et Michel dégaine, calme toi mon grand tu en vas pas tenir 5 minutes. Je le calme un peu et expose le thème principal sans donner la cause (garder des cartouches pour le débat, jouons la stratégique). La gentille RRH me regarde médusée et appelle mon responsable. Michel s'emporte un peu l’accusant de jouer la montre, de noyer le poisson. Mais non c'est la procédure classique, il est normal que …

Alors on se pose et on boit un petit café en attendant dans le silence.

Je me suis toujours demandé si certains métiers pouvaient avoir une cohérence physiques dans leurs recrues. A-t-on déjà vu une esthéticienne moche ? De mémoire d'homme non. Il doit y avoir un certain darwinisme dans les métiers, une sélection naturelle, cela reviendrais à aller voir un médecin toujours malade ou un garagiste dont la voiture est en panne constamment. Ça n'aurait pas de sens. Et bien à mon moyen étonnement, les RH c'est pareil, dans toutes les boites où j'ai fait, ne serais-ce qu'un entretien d'embauche, toutes les membres des RH étaient femmes fort charmantes (pour ne pas dire plus). Jamais d'hommes, jamais de repoussoirs. Je veux bien être chanceux (mouais en fait non) mais à ce niveau statistique … Et Brigitte, que nous avons en face de nous, bien qu'ayant un prénom ayant dépassé la date de péremption, ne déroge pas à la règle. Et Michel, tout syndicaliste qu'il est n'en étant pas moins homme, commence à s'en souvenir.

« Sympa tes bracelets »

C'est vrai qu'ils sont sympas, de grands bracelets en métal clair, peut être de l'argent ou du …

« Un cadeau peut être ? »

Oui peut être, joli cadeau ceci dit, j'imagine que Michel veut lui faire comprendre qu'un tel bracelet elle ne pourrait se l'acheter seule, qu'elle est donc de notre côté, nous petit peuple qui formons le …

« Un amant sans doute »

Ami, il a voulu dire ami et sa langue à fourch..

« Tu dois avoir un lit à barreau chez toi »

Euh, alors là j'ai beau avoir vu tous les épisodes de Sherlock, le lien n'est pas des plus ...

« Pour t’enchaîner, je suis sûr qu'avec des bracelets comme ça tu dois aimer être menottée »

Deux visages médusés regardent l'avatar du prolétariat digresser sur son phantasme de la lutte des classes. Nonil n'a pas voulu dire ami du tout en fait.

Regard vers la RH qui me regarde puis regarde Michel pour revenir vers moi. J'y suis pour rien choupette. Choupette qui semble être prise de légers tremblements dans les avant bras. Ça va partir et ça va pas être bon pour moi non plus. Alors j'interviens. Tu aimes ça les monologues et les discours engagés, tu va être servi mon bonhomme. Moi aussi je peu broder sur le machisme et le sexisme, opposer la lutte des sexes à la lutte des classes tout en ne m'étant jamais intéressé à la condition féminine dans la société (déjà du mal à trouver la place de ma propre condition). Je flirte avec l'impolitesse quand je le compare à un phacochère dans son placard qu'il s'est construit lui même a grand coups d'idées toutes faites qu'il a apprissent lors des manifestions bi annuelles entre République et Bastille. Résultat Michel regarde ses godasses, esquisse un début d'excuse, puis se casse avec une rapidité qu'on n'aurait pu lui soupçonner, nous laissant Brigitte, toujours médusée, et moi essoufflé de cette tirade.

Résultat, pas de responsable, j'expose mon problème, ma maladie, Brigitte compatis, en pleure presque et me promet des congés payés jusqu'à la fin de ma vie, avec un petit bonus se comptant en mois de salaire.

Merci Michel

 

Chapitre 4

 

Ils vont venir, pas tous mais au moins les principaux. Vont rester chez eux les conjoints et conjointes trop fatigués pour faire le déplacement « et puis demain y a cours de yoga aquatique maman qui vient / jour de marché » (entourez la bonne solution). Je m'affaire aux derniers préparatifs, surtout la gestion de l'alcool (une facture terrible !) lorsque le téléphone sonne : les désistements de dernière minute, ceux qui arrivent toujours mais qu'on ne souhaite pas voir arriver. Je me surprends à m'entendre les supplier de venir en argumentant sur l'importance vitale (ahahah) de la soirée, qu'elle se doit d'être festive, qu'elle ne peut l'être sans eux, que tous seront là, même ceux qu'ils apprécient moins, mais que j'ai besoin de leur présence. Alors ils acceptent, un peu à contrecœur, en grognant, mais ils viendront. S'ils savaient … Bah ! Ils sauront bientôt.

J'ai prévenu les voisins, gentil geste de ma part, quand on sait à quel point ils peuvent être casse-couilles imprévisiblement.

Chers, très chers voisins

C'est avec une joie certaine et une émotion particulière que je vous annonce, par la présente, qu'une grosse soirée est en cours de préparation. Point de pendaison de crémaillère puisque je suis parmi vous depuis quelques temps déjà, et que cette pauvre crémaillère n'a pas pu être pendu (manque de place et plafond un peu bas) mais bien écartelée, éviscérée et autres joyeuseté qui nous sont , à l'époque, passées par la tête

La date fixée à ce jour est vendredi prochain. Je me permets de vous prévenir car le niveau sonore risque d'être un tantinet plus élevé qu'a l'accoutumé au niveau de l'appartement soit 4e étage 2e gauche.

Si le niveau en question est insupportable ou que l'envie vous prends, vous pouvez toujours venir boire un verre.

Dernière petite précision, la soirée est costumée (nous n'allons pas réellement costumer la soirée, ce sont les gens qui le seront, bref …) n'ayez pas peur si, dans les parties communes, vous croisez des êtres étrangement vêtus à une heure plus ou moins avancée de la même soirée

Le carnage est prévu pour 20h. A 20h10 les premiers arrivent, ils n'ont pas le temps de s’asseoir qu'ils ont déjà un shot derrière la cravate et un cocktail dans la main.

C'est amusant de voir à quel point tous les groupes d'amis peuvent se ressembler. Nous avons tous des amis en couple (Clark Kent et Loïs Lane) qui, estimant avoir réussi leur vie, se répandent en conseils sur la vie des autres. Conseils qui consistent souvent à « faire comme eux. »

Vient ensuite le couple construit sur un idéal physique (Le pompier en uniforme et sa danseuse du ventre). Il voulait une grande brune, elle un mec sportif et donc baraqué (oui apparemment ça va forcement de paire). Voilà fin de la liste des atomes crochus se décrochant peu à peu, surtout à mesure que d'autres sportifs ou grandes brunes passent à proximité.

Nous évoquerons aussi le couple trop heureux de tout (Batman et la schtroumpfette ), ils sont heureux et ça dégouline de guimauve, tout n'est que joie et bonheur même les petits tracas sont des occasions de renforcer cette utopie. En trois mots comme en cent, ils sont chiants. Rien n'existe en dehors de ce système autarcique.

Et puis il y a leurs variantes en couple ou célibataires : les aigris, les libidineux, les timides, les asexués, les refoulés, les pleins d'espoir et les blasés : Cendrillon, Clark Kent (oui un second, il faut bien avouer que le costume est facile à faire), Scream, le vampire, le prêtre, le braqueur et le flic, Bob L'éponge, Elvira, le zombie et la chasseuse de zombies.

Mais sur le moment je m'en fous, ils peuvent avoir tous les défauts du monde, je les aime ces petits cons et je redoute de plus en plus de leur annoncer. Mais quel autre choix ?

Nous sommes repus, la musique nous assourdit et nous fait parler fort, à moins que ne soit l'alcool. Et alors que je me dis que je vais laisser filer, le prêtre coupe le son et se retourne vers moi, verre levé

« Alors ! C'est quoi cette nouvelle mon grand ?»

Ben tu vois mon père, le grand là il se ratatine, le pire dans les annonces, c'est quand le moment nous est imposé. Mais bon je les ai fait venir, je peux pas leur vendre une promotion, encore moins une démission, tous les regards sont sur moi, tous scandent et appellent à la révélation.

Alors révélation il y aura, je pose mon verre, arrête d’enlacer cendrillon et cesse de me rêver en cordonnier. Et je leur dit, tel qu'on me l'a annoncé ou presque. Que ces baisses de formes, ces piques de fatigue, n'en étaient pas. Que la vie me fuit, que ça peut paraître bizarre cette impudeur, mais comme je n'en ai pas vu certains depuis un an, statistiquement ça pourrait être notre dernier soir ensemble. J'ai imaginé ce moment cent fois depuis que je sais, mais la seule réponse que j'obtiens est celle à laquelle je n'avais pas songé : le silence, total, absolu. Incrédulité, stupeur ou traumatisme ?

C'est le pompier qui émet les premiers décibels : « C'est une blague ?»

Je sais que j'ai pas d'humour mon grand, mais quitte à faire une blague je t'aurais fait un bon vieux monsieur et madame LALALALALALA ont deux enfants. J'ai jamais aimé l'humour sur la mort des autres, alors la mienne tu imagines bien. Encore que ...

Scream enlève son masque, cendrillon sanglote, la danseuse du ventre vomit par la fenêtre (alcool ou choc ?) et les autres restent prostrés ne sachant pas quoi dire. Je reprends mon verre, le vide, et vais consoler cendrillon. On m'entoure, on m'encercle, on m'étreint, et les pleurs tombent les uns après les autres, comme des dominos. Ça va aller les gens, ça va aller

Batman s'y met : « tu vas faire quoi ? » regards désapprobateur d'une bonne moitié des convives, pas conne ta question Bruce, alors je rebondis avant que tu te fasses casser le dos une seconde fois. A la vérité j'en sais rien, le diagnostique est définitif oui oui second Clark. Non je n'ai pas consulté d'autres spécialistes ni demandé de second avis non monsieur l'agent. Non ça ne se guérit pas non, sinon je n'aurais pas six mois à vivre cher Comte Dracula.

Je remet la musique, plus doucement, me ressers un verre et le drame devient débat.Comme si j'avais dit que le meilleur pire Alien était le 2, ou que Star Wars était une sextologie bien moisie. On me prends la parole, on ne me la rends pas, on tente de me raisonner, que les erreurs arrivent. J'argumente sur la perte de temps, disant que de toutes façons on saura bien vite si le diagnostique était le bon. La question étant : comment occuper au mieux ces six mois.

Bob l'éponge a la proposition la plus séduisante : « Voyage, si tu restes ici, tu vas cocher les jours sur un calendrier de la poste, on va venir te voir tellement souvent que tu auras l'impression d'être un mourant à qui on rends visite sur son lit de mort, ok tu vas t'éloigner e nous et effectivement on risque de te voir encore une fois ou deux … mais on s'en fout un peu de nous non, ce qui compte c'est toi »

Le reste de la soirée : alcool, discussions, sanglots, trois propositions de sessions de sexe intensives et encore un peu de vomi.

 

Chapitre 5

Le programme était clair et bien établi : me bourrer la gueule, payer, quelques verres, m'en faire payer quelques-uns, si possible plus. Vomir, oui à un moment il aurait bien fallu. Aurait car rien ne se passe jamais comme prévu. La faute aux gens.

Une fois le premier rhum envoyé et l’excitation retombée, retour à la réalité. Au bar, deux gros beaufs qui rotent leurs bières à la face du monde. Partout ailleurs, une armée de téléphones portables, ça pianote, ça fait glisser son doigt, ça prends en photo ses cocktails et la pompe à bière, mais ça ne parle pas, ça ne décolle pas le regard de son maudit écran, ça ne boit même pas putain. Dans un bar un vendredi soir PUTAIN ! On s'en fout de ce que tu bois, de ce que tu manges, de tes photos de pied à la piscine ou à la plage, le monde n'est pas un vieux fétichiste se paluchant sur ton ego. Arrête de prendre ta vie en photo et vie là ! Et puis d'abord , entre nous, entre toi et moi, t'en fait quoi de tes photos là ? Sérieusement ? Non parce que, déjà quand j'étais môme, les soirées séances diapo ça me gavait, alors que tu les imposes directement au visionnage en imaginant qu'on puisse kiffer … Mais, bon tu as raison ça rompt la monotonie des résultats de tests que tu infliges à tes contacts : quelle princesse es-tu ? Avec quel acteur pourrais-tu te marier et autres quel est ton niveau de stress ?

Putain tu veux savoir où il en est mon niveau de stress ? J'ai envie de tuer, il faudrait un permis pour vivre, ou plutôt enfanter. En ce moment précis je suis le baron de la haine, le prince de la malveillance et aussi l’empereur du ressentiment.

Alors je passe mon énervement à enchaîner les shots seuls, et je les observe. Certains solitaires jouent à Tinder comme on joue à Candy Crush mais en général l'absence d'énergie vitale les caractérise. Elle ne les habite pas, elle va les quitter. Où va-t-elle ? Où est-elle ?

Je louche sur le portable de ma charmante voisine, jolis yeux, jolies formes et un vendredi soir parisien vers 22h12 elle est sur, le site de Carrefour Market

Bon moi même, avec mon bloc note et mon stylo je ne dois pas les faire rêver non plus, et je vais aussi sur la toile pour chercher la définition de tel ou tel mot pour être sûr de bien l'employer. Mais putain (oui ça fait beaucoup de putains depuis le début) je ne suis pas en train de comparer le prix des sets de table sur Carrefour Market ! Serveur un autre shot !

Ok je noircis le trait, il y a bien des groupes d'amis, des couples un peu moins greffés à leurs portables. Mais putain vous êtes jeunes (pas tous), vous êtes beaux (pas tous non plus) profitez de cet infini temps vous restant.

Ah ça s'anime ! Les couples se recomposent. Mouais vu les expressions de visage gênées, les regards détaillant plafond, sol ou cadres sur les murs, ça sent bon le (les) premier rendez-vous. Même choisir une table est un défi, une décision stratégique qui affectera, semble-t-il, le reste de la soirée. C'est bon on y est, reste le choix de la place, aucun des deux ne veut prendre le risque de s'octroyer la banquette au détriment de l'autre. Honnêtement, en d'autres circonstances j'aurais pu trouver ça mignon et pas pathétique.

C'est vers 00h43 que ma soirée a basculée. J'étais parti m'en griller une dehors comme on dt, quand, en revenant, un petit groupe gentiment à me squatter ma place, place qui devrait, pour le commun des mortels, être analysée comme étant occupée, puisque se trouvent, devant mon tabouret de bar : bloc-note, stylo et téléphone portable (la peur du vol ne m'habite plus trop depuis mon dernier rendez-vous médical)

Ne désirant pas interagir plus que ça avec mes contemporains, je tente, avec succès, de m'insérer entre eux et le bar, m'asseyant sur mon tabouret à moitié défoncé. Et là le plus surfer des trois, par la blondeur de ses cheveux s'exprimant dans un parfait anglais :

« What a moron »

Surenchère : « Never seen such a dumbass »

Signifiant, pour les non anglophones, qu'ils estiment que je viens de leur subtiliser la place désirée à leur nez et à leur barbe. Je me retourne alors, tentant, via un mime bien trouvé, de lui faire remarquer, qu'il n'avait sans doute pas vu que la place était déjà prise. Peine perdue, ils en rajoutent : « Such a dickhead ! »

Je me décide alors à rompre la glace nous séparant

« Hey assholes, do you really think you're the only ones to speak english ? »

Ouvrant ainsi un débat sur le défaut principal du touriste : croire qu'on est le seul à parler sa langue maternelle dans un pays étranger. Le second, hérité du premier, étant de parler très fort, tout le temps.

« That's my chair » Oui je ne savais pas comment dire tabouret sur le moment, ça se dit stool)

« Can't you see my phone, son of whore ?»

Leur faisant ainsi remarquer mes affaires restées sur le bar, résultant en des coups d'œil des uns et des autres vers le dit bar. Et au moment où la situation allait se régler à l’amiable, le plus surfer des trois, par la taille, empêcha un de ses potes d'esquisser le début d'une excuse.

« Who's the whore ? »

« Your mom, are you deaf or what ? »

Lui signifiant ainsi que, oui il avait bien entendu et que je m’inquiétais pour son audition. La première baffe m'a surpris, je suis bien resté quatre secondes à réaliser, dans le silence qui venait de prendre possession du bar. Le temps que le videur fasse le chemin vers nous, j'eu le temps de le surprendre moi aussi en infligeant à ses gonades une douleur intense à l'aide de mon genou et en me jetant sur le moins surfeur des trois,par la masse musculaire.

Tout cela se fini comme il se doit, en cellule de dégrisement. Car oui il n'y a que dans les films où après une bagarre, les gens rentrent chez eux comme si de rien n'était.

 

Chapitre 6

Weezer : Heart Songs

Le lendemain matin après-midi en tentant de faire retrouver à mon appartement un visage … d’appartement d’être humain digne de ce nom (non ça ne s’est pas terminée en orgie et oui j’ai dormi seul), j’ai eu une petite idée venant de mon menu Aston Villa : Illustrer mon humeur du moment par une chanson. Mettre en tête de chapitre le nom du groupe et de la chanson qui définit le mieux se passage de ma vie. Histoire de tenter, via une chanson, d’en comprendre les nuances, les intonations. Une bande son à écouter en me lisant en quelques sortes.

Ca n’est pas grand-chose mais ayant une culture musicale dans la moyenne, je me dis que ça peut être amusant de réfléchir à un morceau. Cela pourra être l’occasion de découvrir des artistes ou d’aller vers des styles qui ne sont pas forcément les miens (il serait temps)

Je ne reviens pas sur mes chapitres précédents pour marquer l’évolution. Pas de retour arrière, on va de l’avant. Ou du moins on va tenter vu la gueule de bois que j’ai. Pas que j’ai la tête dans mon fondement. Non … en fait j’ai la tête dans le cul … de quelqu’un d’autre, qui doit être assez loin maintenant. Bon … que faire ? Je ne vais pas perdre une journée à comater dans mon canapé à manger des Häagen-Dazs (encore que) tout en regardant un programme de téléréalité. D’un autre coté il pleut. Oui tout mon récit ne sera pas débordant d’énergie et d’aventures extraordinaires.

Une expo ! En voilà une bonne idée ! Jamais fait non plus, en fait je me demande si j’ai déjà fait des trucs dans ma vie. A la porte de Versailles un mec expose ses sculptures gigantesques en Lego. Ca peut être pas mal, jamais été un grand fan des Lego (j’étais plus Gi Joe) mais ça peut être pas mal. Un coup de métro et de tram plus tard, me voila devant des statues de briques emboitables en plastique. Créations originales ou recréations le mec a abattu un boulot de titan.

Au prix de la brique, je me demande combien lui a coté une seule de ses œuvres. Non je ne ferais pas de jeu de mots avec brique.

Est-ce de l’art d’ailleurs ou juste une activité de construction de maniaco-depressif hyperactif ? (Oxymore ?) Qu’est ce que l’art ?

Je vais laisser les terminales répondre à cette question , mais je ne peux m’empêcher d’y revenir en voyant tous ces enfants qu’on a emmené voir l’exposition et qui, de l’excitation, sont passés à l’ennui en découvrant que non ils n’allaient pas jouer avec des Lego mais juste regarder des créations parfois lourdes de sens.

Rassurons nous, une boutique clos cette exposition pour que l’excitation retrouvée incite les parents à débourser quelques dizaines d’euros de plus calmant ainsi l’ardeur de leurs bambins. Cercle vertueux du commerce !

Passons à autre chose, l'après midi est encore jeune : que n'ai-je pas fait ? Que n'ai-je pas vu ? L'opéra Garnier, le seul le vrai d'après ma voisine réac du premier étage. C'est ainsi que je déboule dans l'avenue de l'opéra, mon regard ne s'est déscotché de ce sublime édifice qu'en passant à coté d'une agence de voyage. Je me suis remémoré le conseil de Bob l'éponge, parti à la découverte du monde. Ok Bob mais où ? Mes réseaux sociaux sont tellement inondés de photos de vacances de Bali, Thaïlande, Australie, Pérou que j'ai l'impression d'y être allé plusieurs fois. C'est à peu, près au même moment que je découvre que l'arrondissement est à forte consonance japonaise. Le XIII a ses chinois, le XVIII ses maghrébins, le X ses africains : Paris est une ville cosmopolite mais ses quartiers ne sont pas miscibles. Fort de cette découvre (oui on découvre des choses sur sa ville même après 10 ans et c'est tant mieux) je passe d’épicerie japonaises, dont je repars avec des sacs pleins de je-ne-sais-quoi, en devantures de restaurants de ramen. Je m'arrête pour manger des plats dont je n'avais aucune idée de l'existence en me disant que quand je vais avoir besoin d'une tenu de savant fou pour tenter de cuisiner le contenu de mes sacs.

Le Japon, pourquoi pas, seuls les otakus et les geeks parlent d'y aller. Et pourquoi ? Les jeux vidéos, les mangas et les soubrettes, un tantinet réducteur. L'agence de voyage sur laquelle je jette mon dévolu est un temple de la branchitude. Trois étages, des sofas , une ambiance cosy, une assistante en tailleur qui t'amène café et macaron et moi avec mes sacs en plastique, ma tronche de fatigué de la veille au milieu de ce qui pourrait être un bar lounge à la nuit tombée. Une autre assistante en tailleur me fait patienter alors que ses collègues sont disponibles. Apparemment une assistante par région du monde.

Lorsqu'elle me reçoit à son bureau, je me retrouve con ne sachant quoi lui dire. Je lui explique que je veux découvrir le japon mais que je n'ai pas la moindre idée de quoi faire, où aller, que voir ? Elle sourit.

Sur le quand en revanche, j'ai une réponse, le plus vite possible, j'ai moult choses à voir, à découvrir et peu de temps pour le faire. Un peu gênée elle ose quand même me demander pourquoi ? Inconsciemment elle a peur de la réponse, une empathique, ma veine. Je lui réponds que je suis cosmonaute et et que je vais bientôt partir sur Mars et le voyage risque d'être long, très long. Elle se marre franchement.

Elle me propose un parcours de trois semaines Fukuoka, Saga, Beppu, Hiroshima, Noshima, Naruto, Okayama, Kyoto, Nara, Kobe, Tokyo. Que des noms qui ne m'évoquent rien ou tellement peu:le plan est parfait ! Bien que le coin semble être une merveille de beauté naturelle, elle hésite à me proposer Fukushima, depuis avril 2011 la destination n'est pas des plus prisées. Vu mon état de santé, je m’apprête à lui dire que ça n'a rien de rebutant et je me ravise me disant que trois semaines c'est déjà pas mal et que j'ai d'autres choses à voir que le Japon : Bali, Thaïlande, Australie, Pérou.

Chapitre 7

Vous avez déjà fait une garde à vue ? Moi non plus jusqu’à ce jour. J'écrivais cellule de dégrisement mais il y a eu des étapes avant, déjà dix bonnes minutes pour sortir du bar histoire de faire le tri entre moi et les surfers d'un côté et les gentils clients qui ont tenté de nous séparer de l'autre. Invectives des barmaids, videurs et clients, deux ou trois refus d'obtempérer à la limite de la rébellion envers nos amis des forces de l'ordre et nous voilà en route pour l’hôpital, il paraît que c'est la procédure.

Mon alcoolémie ayant été jugée comme légère, je me suis, à ce moment là, retrouvé dépossédé de tout ce qui pouvait me permettre de me pendre (lacets, ceinture etc), comme si j'allais devancer l'appel de la faucheuse, et en cellule de dégrisement. C'est sympa une cellule comme endroit, si on aime le froid (carrelage à tous les niveaux) le monochrome (gris urbain) et la poésie moderne offerte par des nike les keufs qui parsèment ça et là l'endroit de leur orthographe approximative.

On m'a filé une brique de jus de fruit et c'est parti pour une nuit de folie. Impossible de dormir : lit à moitié pété et hurlements des mes voisins de cellules. Certains en voulant aux gardiens, d'autres à leur femme et certains à dieu(crescendo de bouc émissairisation). J'ai tenté de faire le point et me suis dit assez vite que comme occupation de fin de vie on pouvait faire mieux et plus utile. Toutes les deux heures un flic passait nous voir histoire de vérifier notre état de santé et d’alcoolémie. Au troisième voyage il m'a fait sortir histoire de prendre ma déposition et de me notifier le début de ma garde à vue. J'ai aimé sortir de la chambre froide, j'ai moins aimé le fait de me retrouver menotté à un banc. En face de mois un type lui aussi soumis au même traitement. Il m'a dévisagé et commencé à me parler

« T'es là pourquoi ? »

Qu'est ce que ça peut bien te foutre ? Me suis-je dit.

« Tu t’appelles comment ? »

« Qu'est ce que ça peut bien te foutre ? » lui ai-je dit

« Oh moi ce que j'en dit, c'est plus pour passer le temps »

Ok il est pas bourré, c'est pas un dingue, faisons la causette alors

Moi : Stéphane
Lui : Quoi ?
Moi : Tu me demandais mon nom, c'est Stéphane.
Lui : T'es là pourquoi ?
Moi : T'es flic
Lui : ...
Moi : Sarcasme, trait d'humour
Lui : ...
Moi : J'ai agressé deux cons dans un bar
Lui : On devrait être décoré pour ça !
Moi : (sourire en coin) Et toi ?
Lui : Mon nom où ma raison d'être là ?
Moi : Comme tu veux, je pense que j'aurais oublié les deux avant la fin de la matinée, c'est plus pour faire passer le temps
Lui : (sourire en coin)Ça fait trois heures que je refuse de donner mon nom aux flics, apparemment je suis là pour, je cite, Participation à un rassemblent non autorisé après somations de dispersion.
Moi : Oh merde un activiste politique !
Lui : Ça te pose un problème ?
Moi : Sauf ton respect, pour moi vous êtes à mettre dans le même sac que les intégristes religieux : démagogie, vision naïve et étriquée du monde constituent la base de votre discours
Lui : ...
Moi : Ah là je t'ai vexé
Lui : Et te faire bouffer par le monde t'en a pas marre ? Tu as sûrement un patron qui te prends pour son esclave, un propriétaire qui te prends pour sa vache à lait. C'est à cause de mecs comme toi que le monde ne s'arrange pas. Putain de mouton
Moi : Au moins tu es d'accord sur un point avec le Général
Lui : Le général ?
Moi : De Gaulle
Lui : Putain de fasciste.
Moi : Je te taquine, le prends pas mal José.
Lui : Hein ?
Moi : Tu me donnes pas ton nom, excuse moi de t'en donner un.
Lui : Fais le malin, tu n'est qu'un crétin utile au pouvoir crypto-fasciste que tu soutiens par ton inaction
Moi : Joli, il t'aura fallu mois de deux minutes pour enchaîner tes poncifs habituels
Lui : Mais bon sang, ouvre les yeux . Dans ce monde, c'est quoi ton projet de vie ?
Moi : Mourir
Lui : ...
Moi : Les gens meurent, c'est ce qu'ils font de mieux, moi je suis tellement bon que je le fais plus vite.
Lui : Alors rends toi utile, aide les autres, milite, apporte, partage !
Moi : Mouais
Lui : Putain mais y'a pas suffisamment d'enculés sur Terre pour que tu te bouges le cul à penser aux autres ?
Moi : Quand bien même, les enculés seront toujours là, c'est pas en collant des rustines qu'on répare un pneu crevé.
Lui : Alors tu proposes quoi toi qui est si malin ? On peut pas taper à la source des problèmes directement, nous devons unir les forces pour ...
Moi : Stop je t'arrêtes, et d'une ton discours je le connais pas cœur, et de deux je m'en tape

Fin de l'échange, il est resté à ronger son frein en me toisant par moments, m'ignorant par d'autres. Un flic s'est pointé pour emmener signer ma déposition. Début de la chance ou pas, mes deux amis anglophones n'ont pas souhaité porter plainte , ce qui constitue une véritable surprise pour le coup. Rappel à la loi, amende réduite car premier délit, si si premier délit, pour de vrai, merci et bonne journée monsieur

 

Chapitre 8

Infectious Groove : Violent & Funky

Je n'ai jamais été un grand utilisateur des transports en commun, un certain écœurement né d'une trop grande utilisation de ceux ci quand j'étais môme sûrement. Mon métier, ou ex-métier m'envoyant à droite, à gauche et le plus souvent loin, j'utilisais surtout ma bagnole. La joie de la solitude, d'un relatif confort, de la musique à fond et des embouteillages. Mais depuis peu je les utilise beaucoup plus, les redécouvre en quelques sortes. Enfin redécouvrir est un bien grand mot, c'est un peu comme un épisode des feux de l'amour, tu regardes pas pendant vingt ans, il te faut deux mins pour reprendre le fil ou tu l'avais laissé. Mais tout de même une petite réflexion que je me suis faite : avec l'arrivée des smartphones, les wagons de métro/tram sont devenus des cabines téléphoniques. Les gens n'en ont plus rien à foutre de rien. La discrétion ? Une vertu d'un autre siècle (littéralement). Ils étalent leur vie avec une nonchalance, une impudeur qui n'ont d'égales que leur impolitesse et leur manque de savoir vivre.

Big Brother ? Ne pas s'en inquiéter, l'être humain se flique lui même. Un exemple ? Je n'ai que l'embarras du choix mais le plus amusant reste peut être cet homme qui est monté en même temps que moi à la sortie du parc des expositions de la porte de Versailles. Grand, longiligne, barbe poivre et surtout sel impeccable, costume sur-mesure, chech couleur sable et … kit main libre. A peine installé dans une des rares places libres, il a dégainé ses bras et via moult gestuelles et intonations forcées tentait d'expliquer à son correspondant sa vision d'un vernissage à venir. Et quand j'écris qu'il parlait fort je n'exagère pas : mes propres écouteurs peinant à couvrir son verbiage.

Je n'ai pas pu m’empêcher de sourire, le cliché de l'artiste parisien comme on l'imagine dépassé le périph. Mais de toute évidence j'étais le seul dont il avait réussi à capter l'intention. Ou bien mes compagnons de voyages feignaient de ne pas le voir , ou bien, ayant plus d'expérience que moi dans les transports en commun, ils se sont habitués, dressés par l'incivilité de tous (et potentiellement de la leur).

J'en ai eu marre de ce rustre, j'ai décidé qu'il allait prendre pour les autres, surtout lorsque je me suis rendu compte qu'il était en fait accompagné par une demoiselle qui tenait un certain nombre de documents et qu'elle était debout devant lui, pendant que lui, assis, écrivait sur un paperboard imaginaire. Cuistre, malotru et pédant, tout ce que j'aime dans la race humaine (avec d'autres trucs dont j'espère ne pas avoir à vous parler plus tard)

Je me suis approché lentement et, discrètement, ai commencé à finir ses phrases à voix haute

« Il faut que tu comprennes, que c'est un cheminement de vie, une recherche personnelle vis à vis de lui même »

Chuchotant : en même temps si c'est personnel, c'est sûrement vis à vis de lui même

Homme qui parle fort , kit main libre, je fini la conversation, je deviens un petit con, tout dans la provoc et j'adore ça. Les wagons de métro sont devenus des cabines téléphoniques.

« Les pieds, dans son œuvre, représentent l'ancrage »

Marmonnant : Il s'est pas foulé … le pied … excellent, non parce que je fais des jeux de mots aussi …

« Alors que les mains symbolisent l 'échange »

Murmurant : Un peu comme ma bite

A ce moment là j'ai vu que j'avais accroché l’attention de sa … collègue ? Stagiaire ? Porteuse ? Légèrement outrée, pas vraiment amusée ainsi que de deux, trois autres voisins légèrement plus amusés eux

« Il voit les choses via un prisme distordant qui lui permet d'exprimer les tabous que nous avons en nous, et dans un monde où tout va vite où on est entourés d'objets, dans une société de consommation»

Discutant avec lui : Tu te rends compte que ta phrase ne veut pas dire grand chose au final ?

C'est à ce moment que j'ai franchement capté son attention et qu'il s'est arrêté de gesticuler comme un italien au salon de l'auto (oui c'est peu xénophobe) mais il a tout de même réussi à finir la dite phrase :

«Et c'est pour cela qu'il fait des photos de bovins »

M'approchant du micro pour parler avec son interlocuteur : Attendez, vous vous prenez la tête pour des photographies de vaches ?

« Des mises en scènes photographiques, des œuvres complexes mêlant modèles humains et bovins tendant à nous faire prendre conscience de la futilité du monde contemporain »

« Et donc vous collez une gonzesse, sûrement à poil sur une vache pour dénoncer une futilité que toi même, depuis dix bonnes minutes tu incarnes dans toute sa splendeur et sa magnificence ? Sérieusement ?»

« Du nu, monsieur, du nu pas à poil ! »

« Pardonne l’offense, mais si tu veux un symbole de la futilité, prends un selfie »

J'aurais aimé ajouter une vanne sur son métier de critique d'art/galeriste, mais et d'une on lui avait sûrement déjà faite et de deux il était temps pour moi de descendre.

J'ai recommencé cet exercice assez amusant à plusieurs reprises, notamment sur une pimbêche de lycéenne qui expliquait à un camarade trop timide pour contre argumenter, que en se baissant elle montait son centre de gravité. Je lui ai donné un petit court de physique/mathématique en 30 sec, ça m'a fait plaisir. Bizarrement je ne me suis jamais fait (trop) insulter ni même cassé la gueule jusqu'à maintenant, pourvu que ça dure.

Je deviens un petit con, tout dans la provoc et j'adore ça.

Chapitre 9

Se rendre utile … cette idée me trotte dans la tête depuis que j'ai quitté le commissariat hier. Avec le peu de temps qu'il me reste comment faire quelque-chose d'utile, et puis pourquoi d'abord ? Pourquoi je ne passerais pas le temps qu'il me reste à m'occuper de moi. Le cynisme a souvent, et continue d'ailleurs, dicté mes choix, mes relations avec les autres, bref ma vie. Et qu'est ce qu'un cynique mourant pourrais bien faire.

Distribuer de la bouffe aux restos du cœur ou à la soupe populaire ?

Toute aide est sûrement appréciable, mais pas sûr que ça compte assez. Ils ont les mains pour le faire, leur vrai problème c'est plus les dons et la nourriture. Non il faut quelque- chose avec un impact beaucoup plus fort.

Militer pour Greenpeace ou une autre association dans le même genre ? Même problème, ils n'ont pas besoin d'un gars en fin de vie en plus. Cent, mille gars en plus oui, mais un …

Qu'est ce que je pourrais faire qui aurai un impact ? Léguer le peux que j'ai à un SDF ou une famille dans le besoin, oui, encore que, avec ce que je possède ils vont pas faire un an, mais ça serait déjà ça.

Poussons le raisonnement, sur ce mode, qu'est ce qu'un mourant peut faire qu'un valide ne peut pas forcement se permettre. Donner tout ce qu'il a, d'accord, mais encore ? De quoi n'ai je pas besoin, ou de quoi je n'ai plus peur à mon niveau ? Des conséquences surtout … Encore que les conséquences d'aider quelqu'un sont plutôt bonnes en général. Quoique si tu aides beaucoup de gens, y a toujours des mecs pour venir te les briser. Mais je vais pas me transformer en abbé Pierre en 2 semaines, le chrono tourne contre moi.

Et si …. et si je m'occupais de ces empêcheurs de faire le bien rond justement. S'ils sont un problème, éliminons le problème. Je ne suis pas un hacker, je ne vais pas pouvoir les pirater, les faire chanter, il faudrait quelque-chose de plus radical. Les éliminer tout simplement. J'ai beau vouloir me débarrasser de mon cynisme pour e dernières mois, je n'y vois que des avantages : je n'ai pas peur d'y laisser ma peu, je n'ai pas peur de finir en prison non plus. En imaginant que je me fasse attraper, le temps que le procès commence j'aurais déjà passé l'arme à gauche. Et puis ce ne sont pas les cibles qui manquent, dealers, proxénètes, hommes d'affaire véreux, corrompus, si je suis en panne d'inspiration je n'aurais qu'à lire le journal.

Journal, ouais d'ailleurs on va un peu te transformer toi aussi. On verra ça au prochain chapitre.

Bon reste le plus important : comment me fournir en arme ? Je vais pas attaquer es cibles au couteau ou au fleuret. Je me vois mal envoyer un message à mes cibles du style : Je vous défie en duel demain à l'aube ...

Il paraît que c'est facile de se fournir une arme en banlieue, on va vérifier les dires de BFMTV

 

Chapitre 10

LCD Soundsystem : New York I Love You

De ma fenêtre j'ai vu sur mes voisins Petite rue petits immeubles bien rapprochés Je me surprends à les surprendre dans leur quotidien

C'est un soir, en rédigeant ce chapitre, que ça m'a pris. J'allais écrire une page sur mes préparatifs au voyage, moi qui ne suis jamais parti plus loin que les Pyrénées orientales, mais j'avais du mal a trouver cela intéressant ... même pour moi. Alors pour vous ....

Une histoire de valises que l'on achète et qu'on rempli ... et puis je les ai vus s'agiter dans leur quotidien, lumières allumées j'étais comme au cinéma. J'ai éteint les miennes et ai commencé à les observer.

Je ne suis pas un voyeur. Des fois j'entends mes.voisins copuler et cela n'a rien d'excitant Et puis ça ne dure jamais très longtemps

Alors pourquoi ?

Je me suis moi aussi posé la question.

Curiosité envers leurs vies ? Curiosité envers la vie du voyeur ?

Mais d'autres questions, d'autres raisons me sont venues et j'ai répété l'expérience à plusieurs reprises. Pour quelles raisons ?

Pour savoir ce que je vais raté dans ma vie. Je m'installe avec un papier et un crayon, j'attends que les lumières s'allument et je note succinctement ce qu'ils font. Je voyage dans leurs vies

Je les vois donner à manger à leurs bébés. Jouer avec leurs enfants. Regarder la télé. Faire la cuisine et recevoir leur invités Fumer leurs clopes à la fenêtre. Installer un frigo ou monter un nouveau meuble Ikéa. J'ai presque envie de les aider.

Parfois eux aussi me regardent pendant que je fais mes cartons et valises, réflexe visuel plus que curiosité. Des fois je crois même qu'il me prennent en flagrant délit.

La soirée avançant, les lumières s'éteignent mettant fin à un spectacle assez peu divertissant, Hasard de l'architecture je suis du coté de leur salon/cuisine.

Au premier soir la curiosité Au second soir une certaine impatience de découvrir quelque-chose de nouveau Au troisième soir l'ennui et le désintéressement le plus total. Voyeur ça ne s’improvise pas et ça ne me passionne décidément pas

Se savoir mourant c'est aussi pouvoir faire une synthèse de sa vie. Faire un bilan définitif de son vivant.

C'est donc ça la vie que je vais manquer ? Ça serait ça le bonheur du couple, de la vie de famille ?

C'est à ça qu'on comprends que le bonheur n'est pas une quantité observable. Il se ressent, se vit tout simplement et de là où je suis je ne fais qu'imaginer ce qu'il peut être

Chacun son bonheur.

C'est à ça qu'on comprends que le bonheur n'est pas une quantité quantifiable. Les leurs comme les miens sont simples mais différents.

Jusqu'à maintenant j'ai trouvé le mien dans les aventures sans lendemain, dans les couples sans avenir (même si j'ai mis du mien pour qu'ils en aient un) et, j'espère maintenant, dans les voyages lointains De toutes façons il ne me reste pas beaucoup de temps pour autre chose, ni beaucoup d'autres options

Tag(s) : #roman, #noir
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